Il faut sauver le Journal de la Santé
Vingt-cinq ans. Oui, cela fait exactement 25 ans que le Journal de la Santé offre, tous les jours en début d’après-midi, une émission de qualité entièrement consacrée à ce thème. Reportages, interviews, documentaires au long cours, invités prestigieux, professionnels experts dans leur domaine : durant près d’une heure, c’est la santé déclinée sous toutes les formes possibles. Avec, comme seule exigence (mais c’est déjà beaucoup !) que les informations données soient sérieuses, validées scientifiquement et compréhensibles par les téléspectateurs.
Cette exception télévisuelle est aujourd’hui menacée. Pire : sa mort est déjà programmée. La dernière diffusion aura lieu avant l’été, vient d’annoncer France Télévision. Ce n’est pas une question d’audience assurent ses responsables, même si celle-ci était effectivement en baisse depuis quelques années. Ce n’est pas non plus une question de présentateurs, même si avec le départ de Michel Cymes en 2018 les partenaires de Marina Carrrère d’Encausse s’étaient enchainés : Fabien Doguet, Jean-Marc Sène et, plus récemment Emma Strack et Jimmy Mohamed.
Non non. La seule explication avancée par France Télévision c’est que cette émission a fait son temps. Et je trouve ce motif aussi absurde que stupide.
Par honnêteté, je précise tout de suite que j’entretiens des relations d’amitié avec Michel et Marina depuis de nombreuses années – avant même la création du Magazine, c’est dire ! J’ajoute que, le temps d’une saison et pour quelques émissions, j’ai été chroniqueur en plateau, avec comme marque de fabrique « le journaliste énervé en chemise rouge ». L’expérience a rapidement tourné court, la qualité de mon élocution et mon rythme de parole n’étant guère compatibles avec une émission tout public.
Ceci posé, la disparition annoncée du Magazine est une catastrophe en matière de santé publique. On l’a encore constaté durant l’épidémie de Covid 19 : de toutes les chaines de télé, de tous les programmes, cette émission a été la seule, je dis bien la seule, à ne jamais céder à la folie Raoult, aux approximations et aux annonces prématurées. Le travail des journalistes, constant, exigeant, a offert aux téléspectateurs un espace où la pédagogie l’emportait sur le sensationnel et la quête d’information sur les fake news.
Je ne suis pas le seul à le dire. La tribune publiée dans le Figaro le 19 janvier a recueilli la signature de très nombreuses personnalités, médecins et non-médecins, d’’Agnès Buzyn à Roselyne Bachelot, de Philippe Croison à Sylviane Agacinski, en passant par une foultitude de professeurs et de représentants d’associations de patients. Quant à la pétition lancée sur Internet, elle dépasse les 15 000 signatures en une semaine.
Cela sera-t-il suffisant pour faire revenir France Télévision sur sa décision ? J’en doute. Car la vérité, c’est que le Magazine va s’arrêter pour des questions de gros sous uniquement.
Je m’explique : depuis le début, cette émission est produite par une société qui s’appelle 17 juin Production. En 2015, 17 juin est rachetée par Newen. Qui, cette même année 2015, est à son tour achetée par TF1 dont elle devient une filiale.
Résultat : une des émissions phare du service public est produite par son grand rival, TF1, qui gagne donc en quelque sorte de l’argent sur son dos.
On comprend que cela puisse énerver France Télévision. Mais avec l’arrêt du Magazine, ce sont les téléspectateurs qui sont les premières victimes. Ainsi que la santé publique. L’information de qualité en général. Pas France Télévision.