Dérives sectaires : comment les repérer ?
Attention danger ! La santé est un terrain particulièrement propice à tout un tas de dérives sectaires. Le phénomène n’est pas nouveau me direz-vous. C’est vrai, à ceci près que l’année dernière a vu une véritable explosion des signalements auprès de la Miviludes, l’organisme public chargé de traquer ces dérives.
De fait, un seuil historique a été franchi en 2021 avec plus de 4000 signalements – soit une augmentation de 33% ! A eux seuls, les sujets sanitaires rassemblent un quart du total. La raison ? L’épidémie de Covid 19 a vu l’émergence « de nouveaux acteurs, plus discrets et maitrisant le web, sachant contrôler les esprits en exploitant les peurs et la perte de repères », explique le président de la Miviludes en introduction du dernier rapport annuel.
L’exemple emblématique de ces dérives est évidemment Didier Raoult, dont j’ai dénoncé dans maint posts précédents la « gouroutisation » et la tendance, au fil du temps, à verser dans le complotisme. Mais il n’est pas le premier, loin de là, et la Miviludes pointe à juste titre plusieurs mouvements dangereux qui ont profité du Covid pour avancer des thèses plus délirantes les unes que les autres. J’en ai sélectionné quatre, de la plus confidentielle à la plus connue.
La ventousothérapie (appelée également « hijama ») : il s’agit de faire de petites incisions sur le corps, d’appliquer des ventouses, d’extraire les toxines accumulées et de stimuler ainsi l’immunité. Bref un rempart « naturel » contre le covid.
L’anthroposophie : initiée par un médecin allemand dans les années 20, le Dr Steiner, elle prétend que chaque problème de santé est lié au karma d’un individu. Pour ses partisans, le covid n’est pas dû à un virus mais à « l’électrification de la Terre » causée par la 5G.
La déprogrammation cellulaire : elle part du postulat que toute maladie, cancer compris, résulte d’un choc psychologique antérieur. Il n’existe donc pas de pathologie incurable, seulement des individus incapables d’accéder à leurs facultés personnelles de guérison. Autrement dit, si j’ai attrapé le covid, c’est de ma faute.
Thierry Casanovas : cette star des réseaux sociaux (560 000 abonnés sur YouTube, 80 millions de vidéos vues) va encore plus loin. Pour celui qui se présente comme naturopathe, adepte du jeûne et du manger cru, les chimiothérapies sont toxiques, les vaccins nocifs et le Covid, une invention de la médecine traditionnelle.
Présentées ainsi, ces théories semblent si fumeuses que l’on se demande parfois qui elles peuvent convaincre. Et pourtant. Comme l’explique la Miviludes, tout un chacun peut s’y faire prendre, notamment en période de fragilité personnelle car le processus est subtil et progressif.
Dans son rapport, la Miviludes l’illustre avec les dérives du coaching mais les quatre phases décrites s’appliquent aussi bien au champ de la santé. A savoir : phase 1, la séduction (vous avez en vous toutes les ressources nécessaires). Phase 2, la déconstruction (vous devez abandonner toutes vos croyances antérieures). Phase 3, la reconstruction (vous êtes désormais dans le camp des êtres supérieurs). Phase 4, la consolidation (vous devez payer encore et encore pour rester parmi les « élus »).
Il existe, heureusement, des signes qui peuvent vous alerter. Et c’est tout l’intérêt de la fiche pratique contenue dans le rapport de la Miviludes qui donne six recommandations. En pratique, prudence donc face à un thérapeute qui :
Dénigre la médecine conventionnelle
Vous suggère d’arrêter vos traitements
Promet une guérison miracle là où les autres ont échoué
Vous recommande l’achat de produits présentés comme efficaces à 100%
Tient un discours pseudo scientifique avec des emprunts à la fois à la médecine, à la psychologie et au spirituel
Vous incite à vous couper de votre entourage et de votre médecin
Difficile d’opposer une quelconque rationalité face à ces discours dont la rhétorique consiste justement à prétendre détenir « la » vérité en s’opposant à une société présentée comme intrinsèquement mauvaise (institutions corrompues, médecins achetés, civilisation décadente etc.).
Voilà pourquoi dans un monde incertain le nôtre – et plus encore lorsque surgit un virus inconnu et que la médecine piétine – des théories délirantes peuvent séduire et rassurer. Autant dire que les gourous de la santé ont de beaux jours devant eux.
D’autant que face à la puissance de feu de leurs réseaux sociaux, la « force de frappe » de la Miviludes ne pèse pas lourd : une cheffe, une adjointe, deux stagiaires et sept conseillers. Et sur les sept, combien pour gérer les dossiers sanitaires ? Deux. Oui, vous avez bien lu : deux.