Vaccin Astra Zeneca : l’avis désolant de la HAS
Désastreux. Voilà le premier mot qui me vient à l’esprit en lisant l’avis de la Haute Autorité de santé sur l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca contre le covid 19, rendu public 12 le mai.
Je m’explique : certes, la HAS reconnait en préambule que ce vaccin « reste indispensable pour freiner la dynamique de l’épidémie, limiter le nombre de décès et prévenir la saturation des services hospitaliers ». Mais c’est pour pointer, aussitôt après, la « survenue très rare mais grave » de ce que les spécialistes appellent le « syndrome thrombotique thrombocytogénique », c’est-à-dire la formation de petits caillots de sang dans des organes vitaux, dont le cerveau, susceptibles d’entrainer la mort.
De fait, ces événements sont rarissimes : à ce jour, on dénombre 28 cas, dont 8 mortels sur … 2 725 000 personnes vaccinées en France ! Il n’empêche : en s’appuyant sur une « modélisation mathématique » effectuée par l’Institut Pasteur, la HAS définit un « point de basculement du rapport bénéfice/risque individuel à 50/55 ans ». Concrètement, cela signifie qu’avant cet âge, il y aurait plus de risques d’être victime de ce syndrome que de mourir du Covid.
N’étant pas un spécialiste de la modélisation mathématique, je ne me risquerais pas à discuter la validité du modèle de Pasteur. Cela dit, j’observe tout de même que cet âge clé est pour le moins une estimation « au doigt mouillé ». La preuve : en Grèce, les experts ont conclu, eux, que la bascule était plutôt à 35 ans ; au Royaume-Uni, c’est 40 ans ; en Suède, 65 ans. La France serait donc dans une sorte de « juste » milieu, sans que l’on sache vraiment sur quels critères les uns et les autres se fondent.
Et surtout, de quoi parle-ton ? D’un risque de décès excessivement faible, puisqu’il concerne une personne sur 340 000, soit 3 cas par million d’habitants. Disons les choses autrement : à supposer (hypothèse invraisemblable) que l’on vaccine les 66 millions de Français, on aboutirait à moins de 200 morts en tout et pour tout. Soit, à peu près, le nombre de morts par jour du Covid en France actuellement, sachant qu’on en était à plus de 400/j il y a encore quelques semaines.
Et c’est là que l’avis de la HAS est un non-sens en termes de santé publique, je dirais même une faute grave. Car dans son raisonnement la HAS s’en tient uniquement au « risque individuel », estimé de façon « mathématique ». Mais depuis quand la vaccination se résume-t-elle à un rapport bénéfice/risque individuel ? La HAS aurait-elle oublié que la vaccination est aussi, voire avant tout, un enjeu sanitaire commun ?
J’irai plus loin : en privilégiant ainsi le principe de précaution (individuel) au détriment du principe de protection (collective), la HAS valide malgré elle les discours de certains anti-vax, tel que « puisque les autres sont vaccinés moi je n’ai pas besoin de le faire puisque mon risque personnel est quasi nul ».
De la même façon, en mettant en avant ces éventuelles thromboses, la HAS renforce la méfiance vis-à-vis du vaccin d’Astrazeneca. Et elle justifie le refus, devenu quasi général, de ce vaccin, y compris chez les plus de 55 ans qui devraient justement en bénéficier. Résultat : des centaines de milliers de doses dorment aujourd’hui dans les frigos et il y a fort à parier qu’elles y resteront pendant longtemps.
Quant au vaccin de Janssen, préparé sur le même modèle que celui d’AstraZeneca, il a droit au même traitement par la HAS, à savoir : pas de mise à disposition pour les moins de 55 ans. C’est d’autant plus regrettable qu’il est efficace dès la première dose, et que la survenue des thromboses n’a même pas été étudiée. Le gouvernement encourage la vaccination de masse, il promet une immunité collective dès la fin de l’été ? S’il veut y parvenir, il ferait mieux de faciliter son utilisation plutôt qu’en limiter l’usage.
Un dernier mot : j’imagine que, faute de candidats en France, ces vaccins seront un jour ou l’autre envoyés dans des pays pauvres qui, eux, ne feront pas la fine bouche et seront bien contents d’en bénéficier. Et vous savez quoi ? Je parie que certaines belles âmes s’en offusqueront et dénonceront l’arrogance de notre pays qui ose leur refiler son « mauvais vaccin ».