Burn-out : l’OMS a tout faux !
Mais à quoi joue donc l’OMS ? Lundi dernier, l’Organisation Mondiale de la Santé annonçait triomphalement que le burn-out faisait son entrée dans la classification des nouvelles maladies. Un signal fort envoyé aux salariés, aux patrons et plus généralement au monde du travail. En effet, c’est à partir des critères définis de l’OMS que les chercheurs peuvent établir des statistiques sanitaires acceptées par tous et comparables dans le monde entier. Qui dit définition du burn-out dit donc reconnaissance quasi officielle de ce phénomène qui, toucherait, rappelons-le, plus de 3 millions de personnes en France.
Et patatras ! Voilà que le lendemain un porte-parole de l’OMS précise dans un communiqué que non, tout le monde s’est trompé. En fait, le burn-out était déjà reconnu par l’OMS, mais seulement au titre de « facteur influençant la santé ». Bref, c’est la définition du burn-out qui a changé, mais celui-ci n’est toujours pas reconnu comme une maladie en soi.
Bel exemple de communication ratée… Au point que je me demande ce qui a bien pu se passer durant la 72ème Assemblée Mondiale à Genève pour qu’un tel revirement se produise. Pression de certains États membres ? Désaccords internes au sein de l’institution ? Lutte de pouvoir entre scientifiques et médecins ? Le résultat est en tout cas désastreux en termes d’image comme de crédibilité.
Quant à la nouvelle définition de l’OMS, elle me laisse pour le moins perplexe. Le burn-out se caractériserait donc par « un syndrome résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès » et avec trois critères : « un sentiment d’épuisement », du « cynisme ou des sentiments négativistes liés au travail » et « une efficacité professionnelle réduite ».
Reprenons. Oui, le burn-out résulte bien d’un stress chronique au travail, oui il génère un sentiment d’épuisement. Mais pour le reste… Je ne vois pas bien à quoi ressemblerait un stress chronique « géré avec succès ». Un stress dont on s’accommoderait ? Je ne vois pas non plus comment juger de l’efficacité professionnelle d’un salarié et surtout qui en jugerait. Son supérieur hiérarchique, ses collègues, le PDG de l’entreprise ? Curieusement, l’OMS définit une pathologie liée au travail à partir des conséquences qu’elle induit. par là-même, elle inverse la chaine de causalité. Encore un peu, et la victime d’un burn-out serait jugée coupable non rentabilité.
Enfin, je m’interroge sur le terme « cynisme ». Que vient faire cette connotation morale là-dedans ? Qu’un salarié en état d’épuisement professionnel finisse par dénigrer son entreprise, cela peut arriver, c’est vrai. Mais, le plus souvent, il dénigre aussi son métier parce qu’il ne supporte pas de le voir vidé de son sens ; et il se dénigre lui-même parce qu’il ne supporte pas d’être en désaccord avec ses propres valeurs. Bref, s’il en veut à la terre entière, c’est parce qu’il est malheureux dans son travail. Le « cynisme » dont il fait preuve n’est jamais qu’une façon de se protéger et d’essayer d’éviter, justement, un burn-out.
Car le burn-out, ce n’est pas du tout ce que décrit l’OMS. Pour avoir rencontré plusieurs victimes et écrit de nombreux papiers sur le sujet quand j’étais journaliste, je peux l’affirmer : un burn-out c’est d’abord, comme le suggère le terme en anglais, un événement qui vous « crame » littéralement de l’intérieur ; il survient du jour au lendemain et sans signes avant-coureurs spécifiques ; il se traduit par un véritable effondrement psychique, au point que la personne est incapable de revenir au travail – l’idée même suffit à la plonger dans une profonde angoisse ; enfin, il est aussi foudroyant dans son apparition que durable dans ses manifestations, jusqu’à se prolonger plusieurs mois voire des années.
Par ailleurs, si le burn-out peut toucher tout le monde, il ne frappe pas n’importe qui. Ce sont en général des salariés compétents, efficaces, investis – surinvestis même – dotés d’une grande force de travail. Et qui pour la plupart ont du mal à dire « non ». Non à leur chef, non à leurs collègues, en particulier quand l’un ou les autres leur demandent quelque chose à la dernière minute. En Analyse Transactionnelle, on appelle cela la position de « sauveur » tant ils aiment à se rendre indispensables. Bref, ce sont des collaborateurs de rêve pour une entreprise !
On le voit, nous sommes bien loin de la description que fait l’OMS du burn-out. Or, les enjeux sont considérables selon que l’on prenne telle ou telle définition. Car en toile de fond, il y a la possibilité de reconnaître le burn-out comme une pathologie en tant que telle – et, donc, la possibilité pour un médecin de prescrire un arrêt de travail au titre d’une maladie professionnelle. Concrètement, cela veut dire aussi que ce serait alors à l’entreprise, et plus à la Sécu comme aujourd’hui, de prendre en charge les frais liés à un burn-out. Des dépenses qui pourraient, à terme, se chiffrer en dizaines de millions d’euros.
On comprend mieux dès lors pourquoi les entreprises ne veulent pas en entendre parler. Et, à l’inverse, pourquoi certains spécialistes des risques psychosociaux poussent à une définition très large, dans le seul but d’accroitre leur chiffre d’affaires. Quitte à en faire un gigantesque fourre-tout qui enlèverait au burn-out toutes ses spécificités.
anne
bien souvent le burn-out est le résultat de nombreuses causes, et certaines sont individuelles ; il sera très difficile de prouver l’origine purement professionnelle. s’attaquer aux causes collectives de souffrance au travail est plus efficace : voir Conditions de travail et satisfaction au travail : http://www.officiel-prevention.com/formation/formation-continue-a-la-securite/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=139&dossid=464
Emma
Le burn-out est difficile à reconnaître. Cela reste encore assez flou à définir même si on en entend de plus en plus parler.