« Le travail c’est la santé »… Vraiment ?

 

C’est une enquête passionnante à plus d’un titre qu’a révélée cette semaine la CFDT sur le rapport des Français au travail. Par son ampleur : 200 000 réponses. Par son étendue : horaires, degré d’autonomie, relations entre collègues, tout y passe. Par ses résultats enfin : qui aurait cru que 70% des Français rigolent « souvent ou tout le temps » au bureau ? A l’inverse, qui aurait pensé qu’un tiers d’entre eux ont « le sentiment d’être une machine » sans autonomie ni responsabilités ?

Rappelons tout d’abord que les Français entretiennent un rapport pour le moins complexe, voire paradoxal avec leur métier. En effet, plus les conditions de travail sont difficiles, et plus celui-ci est vécu comme la condition première du bonheur. C’est le cas des ouvriers, pour qui le bien-être passe par un travail stable et un salaire, là où les cadres recherchent plutôt la liberté et la possibilité de « se réaliser ». En d’autres termes, la hiérarchie des attentes dans le travail est inversement proportionnelle à la satisfaction qu’on en retire.

Fiers de leur métier

Commençons néanmoins par les bonnes nouvelles – puisque, comme je l’ai appris durant ma formation au coaching à HEC, il faut toujours dire d’abord ce qui va avant de détailler ce qui ne pas va ! La première bonne nouvelle, c’est qu’une grande partie de Français aiment leur travail (76,4% très exactement). Mieux encore, ils y prennent du plaisir (à 57%) et se disent « fiers » (55,7%) de leur métier.

Certes, les notions de plaisir et de fierté sont moins partagées que celle d’aimer son travail. Mais si l’on ajoute à cela que 2 Français sur 3 trouvent que celui-ci s’accorde « bien ou très bien » avec leur vie familiale et sociale et que 55% estiment qu’ils ont le temps de faire correctement les tâches qu’on leur demande, on peut en conclure que, globalement pour une majorité de Français le travail est source d’épanouissement et de satisfactions diverses.

Cette conclusion est d’autant plus réjouissante que les plages horaires se sont considérablement élargies au cours de ces vingt dernières années, comme le rappellent les auteurs du rapport de la CFDT :  bosser les jours fériés, le soir ou avec des week-end entrecoupés est le lot de 2 Français sur 3 aujourd’hui. De même, le travail de nuit concerne 1 Français sur 5 ; et celui du dimanche, 1 sur 4, notamment les agriculteurs, les commerçants, les artisans et certains salariés du service public – ainsi que l’auteur de ces lignes qui rédige ce post de blog un dimanche soir !

Mais ce sont surtout les conditions de travail qui se sont dégradées au fil du temps. Subir au quotidien des objectifs impossibles à atteindre ? 20% des Français s’en plaignent. Ne pas pouvoir compter sur le soutien de sa hiérarchie ? La moitié des Français le déplorent. Quant au sentiment de travailler dans de bonnes conditions, moins d’1 Français sur 3 l’éprouve. Plus précisément, ils ne sont que 29% à répondre oui à ces 4 items : avoir une quantité de travail correcte, assez de temps pour bien faire son boulot, des objectifs tenables et la possibilité effective de prendre leurs RTT.

Douleurs physiques et mauvais sommeil

On comprend mieux, dès lors, pourquoi seuls 29,6% des Français (les mêmes que ceux qui ont répondu oui aux 4 items ?) sont d’accord avec l’idée que « le travail, c’est la santé ». Pire : même parmi ces Français-là, 18% dorment mal « souvent ou tout le temps » à cause de leur travail et 20% éprouvent des douleurs physiques « souvent ou tout le temps » toujours à cause de leur travail.

Quant à ceux qui subissent toutes les contraintes évoquées (manque de temps, surcharge etc.), le retentissement sur leur santé est inquiétant : 65% dorment mal, 70% ont des douleurs physiques quasi quotidiennes, 15% ne pourraient pas tenir sans médicaments et 6% avouent que seul l’alcool les fait tenir…

Honte de son boulot

Alors ? Alors même si la majorité des Français disent s’épanouir dans leur travail, un gros tiers d’entre eux en souffrent et un huitième forment ce que les spécialistes de la CFDT appellent les « malmenés » : victimes de violences verbales de la part de leurs collèges ou de leur hiérarchie, soumis à une pression incessante, travaillant dans la crainte (réelle ou imaginaire) d’être licenciés du jour au lendemain, empêchés de s’exprimer, sans marge de manœuvre ni autonomie, ils souffrent. De faire des choses qu’ils désapprouvent « tout le temps », des trucs inutiles « en permanence », de ne « jamais » y prendre de plaisir, d’avoir un travail qui les « abrutit ».  Jusqu’à, parfois, « avoir honte » quand on leur demande « Tu fais quoi dans la vie ? ». Ces malmenés, c’est-à-dire ceux qui ont répondu oui à au moins une de ces 4 propositions représentent 12% de la population. C’est beaucoup. C’est beaucoup trop.