Santé: les quatre chantiers d’Emmanuel Macron

« Il » était très attendu, et « il » est venu ! Après une intervention en visioconférence l’année dernière, Emmanuel Macron était présent ce weekend pour clôturer la 8ème édition de CHAM, consacrée à un thème d’actualité : l’argent de la santé.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, CHAM c’est un peu le Davos de la Santé version « made in France » : deux jours de rencontre à Chamonix organisés par Guy Vallancien, chirurgien urologue renommé, auteur de plusieurs ouvrages et de rapports, membre de l’Académie de médecine – et j’en passe ! Pour débattre, des décideurs (directeur de la CNAMTS, présidente de la HAS…), des intellectuels (Luc Ferry, Nicolas Baverez…), des médecins (Philippe Denormandie, Jean-François Bergmann…), des politiques (Xavier Bertrand, Olivier Véran…), des industriels… Enfin bref, que du beau linge sur scène mais aussi dans la salle, où près de 600 personnes ont écouté l’ancien ministre de l’Économie avec une bienveillance notable.

Deux paradoxes, un constat, quatre chantiers

Le discours d’Emmanuel Macron était donc attendu – pas tant d’ailleurs pour l’originalité de ses propositions (elles arriveront sans doute plus tard) que pour la vision de la santé que propose un homme politique, enfant de deux parents médecins. Après avoir posé les enjeux (« La santé doit être au cœur des débats car c’est un sujet fondamental pour tous les citoyens et un enjeu de compétitivité et d’attractivité pour notre pays »), Emmanuel Macron a soulevé deux paradoxes, pointé un constat et proposé quatre chantiers.

Premier paradoxe : Notre système de soins est formidable et compétitif, il repose sur l’excellence scientifique et académique. Mais notre système de santé, lui, est défaillant à plus d’un titre : un taux de couverture vaccinale parmi les plus faibles d’Europe, un taux de mortalité évitable peu satisfaisant, un système relativement injuste avec de vraies inégalités territoriales et sociales – « des inégalités insupportables, pas dignes du projet qui est le nôtre ». Et Macron de citer en exemple un travail remarquable sur l’espérance de vie le long du RER B que j’avais évoqué dans un article paru sur lexpress.fr en 2011.

Second paradoxe : On sait à peu près ce qu’il faut faire, mais on n’arriver pas à aller au bout. L’innovation qui s’accélère devrait permettre une personnalisation croissante des soins, et pourtant le pilotage reste centralisé. Les jeunes générations ne veulent plus exercer la médecine de façon isolée, et pourtant les acteurs de terrain restent corsetés par un mode de rémunération figé, traditionnel. Il faut changer radicalement d’approche, et pourtant les évolutions ne se font que de façon incrémentale.

Un constat : Le mouvement de défiance à l’égard de l’État est inquiétant. Pour retrouver de la confiance, il faut partager des « objectifs de sens » autour de la notion de santé, pas se focaliser sur la performance des soins. Il faut aussi des établissements plus souples, plus adaptables, avec des structures différenciées en fonction de leur capacité à innover.

Responsabiliser, retrouver le temps long, décloisonner, innover

Premier chantier : « Responsabiliser », c’est-à-dire « conjuguer centralisation et intelligence locale ». Et, donc, sortir du face-à-face État contre Région, renforcer l’autonomie des ARS (Agence régionale de santé), et donner aux collectivités soignantes davantage d’autonomie de moyens.

Deuxième chantier : « Retrouver le temps long ». Établir un équilibre budgétaire à l’horizon d’une seule année est « désincitatif car les vraies transformations supposent une vision à long terme, pluriannuelle ».

Troisième chantier : « Décloisonner », notamment les tâches des professionnels de santé. Demander à un médecin de remplir des tâches qui peuvent l’être par des infirmières (soins) ou des secrétaires (administration) engendre une déperdition de temps et d’énergie considérables. L’innovation doit conduire les médecins à piloter les changements, pas à les subir.

Quatrième chantier : « Innover », car les changements technologiques induisent des changements de paradigme. Certes, il y a des « anticorps à l’innovation » chez les acteurs locaux comme chez les professionnels car ces innovations ont un coût organisationnel. Mais, à terme, elles sont bénéfiques pour l’ensemble du système.

Que peut-on déduire « en creux » de cette approche ? Sortir du paiement à l’acte, donner une réelle autonomie aux acteur locaux, établir des équilibres budgétaires sur 3, voire 5 ans, revoir la répartition des tâches entre professionnels de santé, passer de la logique du soin à celle de la santé entendue comme un bien global… Pour un peu, cela pourrait ressembler à la « feuille de route » d’un futur programme de candidat à la Présidentielle.