ENA, Normale Sup, Polytechnique: faut-il supprimer les grandes écoles?

« Elitisme républicain »… Les défenseurs de Polytechnique ont tous cette expression à la bouche pour défendre mordicus une école militaire vieille de 220 ans. Tout ça parce que Jacques Attali a récemment proposé quelques mesures aussi iconoclastes que la fin du classement à la sortie ou l’ouverture du concours à des lycéens sans passer par une classe préparatoire…

Diable! L' » élitisme républicain » (bel oxymore! pour ma part je préfèrerais le mérite républicain, voire l’excellence républicaine) serait-il menacé dans ses fondements? Le fait d’ouvrir encore davantage à l’international ruinerait-il l’avenir de Polytechnique? Oui en croire le président des anciens élèves. Impossible de passer de 100 à 400 élèves étrangers d’un coup sans risquer d’ « accepter des éléments qui n’auraient pas le niveau », assure-t-il dans le Figaro d’hier. On se pince pour y croire.

Je n’ai pas eu la chance d’intégrer une des grandes écoles nationales – ni ENA, ni Normale Sup, ni Polytechnique – même si je suis actuellement une formation en coaching et management à HEC. En revanche, pour avoir fait ma scolarité au prestigieux lycée Henri IV à Paris, y compris hypokhâgne et khâgne, puis Sciences Po, j’ai côtoyé de près cette élite.

Et ce que j’y ai vu n’incitait guère à l’ouverture d’esprit. Bien sûr, je me suis fait des amis (dont certains que je vois aujourd’hui encore), j’ai croisé des profs extraordinaires, j’ai appris bien des choses passionnantes. Je ne regrette d’ailleurs pas un instant ces années de relative insouciance et de travail – quand même! Mais non, ce n’est pas l’ouverture d’esprit qui m’a été enseignée. Elle, je l’ai plutôt développée au fil des rencontres personnelles, du hasard et de la vie.

Au contraire: j’ai été frappé par cet « entre soi  » si typiquement français. Même recrutement social, même références culturelles, même codes implicites. Même sentiment d’ « en être », sentiment renforcé par les enseignants eux-mêmes (à Science Po surtout!) qui ne cessaient de nous répéter que nous étions « l’élite de la nation ». Peu, voire pas de Noirs, d’Arabes , de réfugiés d’Amérique du sud. Tout juste quelques Asiatiques dont « on » louait – déjà! – le caractère sérieux et travailleur. De l’entre soi je vous dis.

Notre système actuel a un vrai avantage: il repère mieux que tout autre au monde les éléments précoces et prometteurs. Il a aussi un inconvénient majeur: il laisse de côté tous ceux qui ne sont pas dans le moule. Voilà pourquoi je plaide pour un renouvellement profond du recrutement des élèves de ces grands corps d’Etat. Voilà aussi pourquoi je plaide pour un fonctionnement radicalement différent de celui d’aujourd’hui, qui repose sur la force de travail plus que sur l’intelligence, sur la rigueur plus que sur l’originalité. Les anciens élèves de Polytechnique sont-ils les mieux à même d’y parvenir? je ne sais pas pourquoi, mais je doute…